Après des années de croissance à deux chiffres, le secteur des centres d’appels est entré dans une phase de ralentissement.
Explication de Youssef Youssef Chraïbi, Président de l’Association Marocaine de la Relation Client et Président du Groupe Outsourcia.
“Notre secteur est toujours en croissance”
L’Observateur du Maroc : Comment se porte le secteur des centres d’appels dans une conjoncture que l’on sait difficile pour tout le monde ?
Youssef Chraïbi : A fin 2012, le secteur des centres d’appels a créé plus de 45.000 emplois et généré près de 5 milliards d’euros en matière de revenus à l’export. Jusqu’à 2011, les performances ont été assez exceptionnelles en terme de croissance enregistrée et dépassait les 15% annuellement. La création d’emploi a été de l’ordre de 5.000 nouveaux emplois nets créés par an. Actuellement, l’offshoring, dans son ensemble, se place au 6e rang des secteurs marocains les plus générateurs de revenus à l’export.
Mais depuis l’année dernière, les professionnels évoquent un ralentissement. Et les prévisions pour cette année vont dans le même sens. Qu’en est-il au juste et quels sont les raisons de cette perte de vitesse ?
Effectivement, depuis 2012, le rythme de droissance s’est ralenti à un niveau avoisinant les 5%, ce qui reste très honorable dans une conjoncture européenne plus difficile. En effet, comme pour tout marché qui se structure et qui entre en phase de maturité après 10 années de forte croissance, notre marché ne pouvait maintenir indéfiniment un rythme supérieur à 15% de croissance par an. Nous ne pouvons pas parler de perte de vitesse, le rythme de création d’emplois nets et de revenus absolus étant maintenus. En revanche, la croissance relative est moins soutenue pour des raisons à la fois structurelles amis aussi en raison d’une taille de marché beaucoup plus importante. En effet, la crise économique majeure que connaît l’Europe a eu un impact sur l’activité de certains secteurs à l’image des opérateurs télécoms français qui, depuis l’arrivée de Free, (4e opérateurs télécoms français) ont commencé à revoir leurs demandes à la baisse et ce, aussi bien en France qu’en Offshore. Cet impact est d’autant plus dommageable lorsqu’on sait que ce secteur représente près de 60% du chiffre d’affaires des acteurs de la relation client. Par ailleurs, le développement d’autres marchés comme l’Espagne est plus difficile en raison d’une réduction de notre écart de compétitivité, liée à une baisse massive de leurs coûts de production et de leurs marges, rendant la destination Maroc un peu moins attractive.
Ne pensez-vous pas que c’est le moment d’aller à la conquête d’autres marchés francophones plutôt rentables que ceux de l’Europe ?
Cela constitue également une piste, tout en sachant que la barrière de la langue est déterminante dans nos métiers. Malheureusement, les marchés francophones ne sont pas très étendus et la langue française qui a fait notre force est aujourd’hui notre principale limite pour pénétrer de nouveaux marchés.
Que peut-on retenir aujourd’hui de la polémique concernant la délocalisation Vs la colocalisation ?
Après une période d’interrogation sur les risques que pouvaient comporter les investissements au Maroc pour l’emploi français, nous sommes ravis de constater que via ce nouveau concept de colocalisation, un consensus a été créé au sein du gouvernement français. En effet, nous sommes parvenus à démontrer avec nos partenaires français, que dans de nombreux secteurs d’activité, dont l’offshoring, l’installation au Maroc est génératrice de compétitivité globale pour les entreprises françaises permettant ainsi de créer des emplois à la fois en France et au Maroc. C’est ainsi que les entreprises françaises qui ont initié un partage de la chaine de valeur entre la France et le Maroc sont beaucoup mieux armées aujourd’hui pour faire face à la crise que les entreprises qui se sont érigées contre l’offshoring. Dans certains cas, la création d’emploi au Maroc pour une entreprise française peut ainsi constituer paradoxalement la meilleure façon de maintenir voire de renforcer l’emploi en France et sa compétitivité à l’échelle mondiale. La déclaration du président français en visite au Maroc le mois dernier a constitué à cet égard, un tournant dans l’évolution des relations économiques avec le Maroc, discréditant ainsi toutes les thèses protectionnistes.
Quid de l’avenir du secteur ?
“Notre secteur est toujours en croissance. Il ne s’agit donc pas de renouer avec la croissance mais de maintenir une croissance. Seulement, cette croissance est moins soutenue pour les raisons évoquées précédemment. Nous restons par ailleurs très confiants sur les perspectives de croissance à long terme étant donné que la tendance de l’externalisation des métiers de services est appelée à s’intensifier dans les années à venir en suivant le modèle anglo-saxon dans lequel la culture outsourcing est beaucoup plus développée, compte tenu de son modèle économique gagnant.
Néanmoins, afin de préserver notre position de destination leader dans la région de l’offshoring il convient de repenser notre offre afin de rebooster notre compétitivité. En effet, les incentives initialement imaginées ont permis de faire émerger la destination. Il faudrait à présent maintenir cette avance en mettant en place un nouveau package destiné aux acteurs de l’offshoring. C’est justement l’objet d’une étude en cours de réalisation par le Boston Consulting Group, mandaté par MedZ et le mnistère de l’industrie, du commerce et des nouvelles technologies, co-pilotée par l’APEBI et notre association l’AMRC. Celle-ci devrait nous aider à redéfinir les contours de l’offre Maroc en améliorant notre attractivoté par la mise en place de nouvelles incitations. Cela se passe aussi par une nécessaire amélioration du climat des affaires : amélioration du climat social avec la mise en place de la loi sur le droit de grève, respect des engagements en terme de délais de remboursement de la TVA et des aides pour la formation par exemple et enfin accélération du processus de mise en adéquation de la loi sur la protection des données avec la législation européenne.”