Après avoir connu des années glorieuses avec une croissance à deux chiffres, fortement impactée par la récession en Europe, principal marché émetteur, la croissance de ce secteur est passée de 17% en 2011, à 10% en 2012, last but not least, les prévisions pour l’exercice en cours tablent sur 5%.
Au moment où les doutes ont commencé à planer sur les perspectives de croissance du secteur de l’outsourcing au Maroc, nous avons pris langue avec le président de l’Association Marocaine de la Relation Client (AMRC), Youssef Chraïbi, également PDG d’Outsourcia, qui a bien voulu se prêter au jeu des questions-réponses.
Dans cet entretien, le PDG d’Outsourcia rassure à propos de l’avenir du secteur en assurant qu’il va continuer à créer quelques milliers d’emplois chaque année et également des revenus à l’export. Tout en admettant que le contexte de crise que traverse l’Europe actuellement n’a pas totalement épargné ce secteur, le président de l’AMRC affirme qu’à moyen et long termes, la recherche d’économies devrait favoriser la migration de certaines opérations vers l’offshore et en particulier vers le Maroc.
Libération : Votre secteur est passé d’une croissance de 17% en 2011 à 10% en 2012 et envisage 5% pour l’exercice en cours. Quelles sont les raisons de cette baisse ? Peut-on parler d’une activité en déclin ?
Youssef Chraïbi : Nous ne pouvons absolument pas parler de déclin. il s’agit d’un fort ralentissement de la croissance, comme on peut l’observer dans tout secteur qui se structure et entre en phase de maturité. Nous ne pouvions maintenir éternellement un rythme de croissance supérieur à 15%. Rapellons que le secteur n’employait que 3 000 personnes en 2005 contre plus de 45 000 en 2012. Malgré ce ralentissement, nous allons continuer à créer quelques milliers d’emplois chaque année et des revenus à l’export substantiels (6e poste d’apport de devises pour le Maroc). Il est vrai néanmoins, que le contexte de crise que traverse l’Europe actuellement n’a pas totalement épargné notre secteur notamment concernant les donneurs d’ordre qui avaient déjà fait le choix de l’offshore, et dont la baisse d’activité impacte donc également cette activité en offshore.
Une étude intitulée “Les prestataires des centres de contacts à l’horizon 2015”, réalisée par l’institut d’études économiques spécialisé dans les analyses sur les secteurs et les entreprises, a montré que les facturations des prestataires auprès des télécoms seront en baisse en 2013, en signalant que “la plupart des outsourceurs ne sont en effet pas suffisamment capitalisés pour encaisser un choc aussi rude qu’une baisse de 10 à 25% de leurs revenus…” Qu’en pensez-vous ? Est-ce qu’il s’agit d’un effet destruteur sur votre activité ?
Il est clair que le marché français des télécoms connaît actuellement un bouleversement sans précédent. L’arrivée du quatrième opérateur mobile Free a fortement déstabilisé les trois autres qui ont dû subir une chute brutale de leurs activités et une évolution vers des offres low-cost impactant les volumes d’appels confiés à leurs prestataires en premier lieu, aussi bien en France qu’en offshore au Maroc. Cet impact est d’autant plus dommageable que ce secteur peut représenter jusqu’à 60% du chiffre d’affaires de certains centres d’appels. Cette conjoncture a donc clairement un impact sur notre rythme de croissance à court terme. Néanmmoins, à moyen et long termes, la recherche d’économies devrait favoriser la migration de certaines opérations vers l’offshore et en particulier vers le Maroc, première destination offshore francophone avec 50% de parts de marché.
Cette même étude précise que le marché de l’outsourcing “est entré dans une phase de maturité à partir du milieu des années 2000”, ce qui laisse penser que cette activité s’approche du déclin chez le principal marché émetteur (la France). Quelles répercussions cela peut avoir sur nos opérateurs nationaux ?
Je pense que le déclin n’est pas forcément la suite logique d’un stade de maturité. Il y a de nombreux secteurs qui se stabilisent dans une phase de maturité durant de nombeuses décennies. Encore une fois, un ralentissement de la croissance ne signifie pas décroissance et encore moins déclin ! Notre croissance va être moins soutenue dans les années à venir et nous devons rester vigilants, mais les fondamentaux de notre filière restent solides. Le Maroc bénéficie par ailleurs d’atouts structurels majeurs lui assurant le maintien de sa position de leader de l’offshore francophone : proximité géographique, culturelle, linguistique, infrastructure de haut rang, savoir-faire…
Etant donné qu’il ne s’agit plus là des atouts que présente le Maroc dans ce domaine, notamment en terme de prix, mais plutôt des raisons proprement liées aux réalités des marchés émetteurs. Qu’est-ce que vous envisagez pour y faire face ?
Fort heureusement, nous ne sommes pas uniquement dépendants du secteur des télécoms et rappelons par ailleurs que seule une dizaine d’acteurs, les plus importants, sont directement concernés par cette restructuration du marché des télécoms. En effet, tous les autres prestataires, n’ayant pas eu la taille critique pour prester pour les trois opérateurs, sont aujourd’hui épargnés par cette baisse d’activité du secteur. Enfin, fort heureusement l’ensemble des prestataires développent leurs activités pour le compte d’autres secteurs qui poursuivent leur croissance et/ou qui devraient émerger fortement dans les années à venir. Les secteurs du e-commerce et de la vente à distance par exemple restent très dynamiques, et les secteurs fnanciers devraient être très actifs à moyen terme au niveau de leur externalisation offshore.
Quelles stratégies de croissance envisagez-vous face à la première grande crise de ce secteur ?
Vous voulez dire sans doute le premier grand ralentissement de ce secteur. Nous restons confiants sur les perspectives de croissance à long terme étant donné que la tendance de l’externalisation des métiers de services est appelée à s’intensifier de façon générale en suivant le modèle anglo-saxon dans lequel la culture de l’outsourcing est beaucoup plus développée, compte tenu de son modèle économique gagnant. De plus, en temps de crise, les solutions offshore sont encore plus plébiscitées pour des raisons évidentes de recherche d’économies. Néanmmoins, afin de faire face à ces nombreux défis, il convient de repenser l’offre de la destination Maroc afin de rebooster notre compétitivité. En effet, les initiatives initialement imaginées dans le cadre du plan Emergence ont fait leur temps. Il faudrait à présent maintenir cette avance en mettant en place un nouveau package destiné aux acteurs de l’offshoring. C’est justement l’objet d’une étude en cours de réalisation par le Boston Consulting Group, mandaté par MedZ et le Ministère de l’Industrie, du Commerce et des Nouvelles technologies, co-pilotée par l’APEBI et notre Association l’AMRC. Celle-ci devrait nous aider à redéfinir les contours de l’offre Maroc en améliorant notre attractivité par la mise en place de nouvelles incitations. Cela passe aussi par une nécessaire amélioration du climat des affaires : apaisement du climat social avec la mise en place de la loi sur le droit de grève, respect des engagements en termes de délais de remboursement de la TVA et des aides pour la formation par exemple et enfin accélération du processus de mise en adéquation de la loi sur la protection des données avec la législation européenne.