Voilà un secteur qui non seulement n’a pas pâti des crises qui secouent le monde en ce moment, notamment en Europe, mais qui s’est même offert le luxe d’en profiter ! Une conjoncture qui a rendu le hub Maroc encore plus attractif. Explications.
Après une dizaine d’années d’existence de leur secteur, les professionnels des centres d’appels disent n’y avoir détecté aucun signe d’essoufflement. Bien au contraire, ils trouvent que l’activité ne fait que commencer et que le secteur a encore de beaux jours devant lui. Et même les crises économiques qui se sont succédé ces dernières années dans le monde, dont celle de l’endettement qui secoue actuellement l’Europe, n’ont pas perturbé la bonne marche du secteur et celui-ci en a même profité pour se consolider davantage. La seule crise qui l’a un peu gêné est celle qui est née du protectionnisme français, mais même celle-ci n’a pas eu raison du secteur qui en est sorti grandi. « La conjoncture difficile en Europe a rendu le site Maroc encore plus attractif : coûts de la main-d’œuvre, incitations fiscales et infrastructures techniques constituent des atouts indéniables», affirme Youssef Chraibi, président de l’AMRC (Association marocaine de la relation client).
S’agissant de l’instabilité dans certains pays de la région, notamment en Tunisie et en Égypte, l’impact sur le Maroc est minime. En fait, d’une part, elle a entraîné de rares mouvements de migration d’activité vers le Maroc, d’après Youssef Chraibi (voir entretien ci-contre). D’autre part, indique-t-il, cette instabilité a pu freiner certains donneurs d’ordre dans leurs investissements, considérant que toute la région pouvait présenter certains risques. Mais globalement, estime-t-il, « tout cela a un impact très limité sur notre activité, car l’essentiel de notre croissance est actuellement beaucoup plus lié à la croissance organique des acteurs déjà présents qu’à l’implantation de nouveaux acteurs, 80% des centres d’appels du Top 20 français étant déjà implantés au Maroc ». Conséquence logique, selon ce « porte-parole » des professionnels : le Maroc a ainsi toutes les chances de conserver, et ce, de façon structurelle son rang de destination leader de l’offshoring francophone. « Nous restons très confiants sur le potentiel de croissance de ce secteur », affirme-t-il, en évoquant une tendance lourde du mouvement d’externalisation des métiers de services, de façon générale. Cette confiance prend également appui sur le fait qu’il s’agit d’un secteur contre-cyclique, les effets de la crise en Europe, étant propices à des logiques de réduction de coût et donc de délocalisation.
Surfant sur cette vague positive, les professionnels croient pouvoir créer au minimum 5.000 emplois nets par an dans les 5 ans à venir. Actuellement, le secteur emploie plus de 40.000 personnes et doit atteindre 50.000 à fin 2013. Le Maroc compte un peu plus de 300 centres d’appels, mais le secteur est très concentré (les 20 acteurs de l’AMRC représentant plus de 80% de l’activité du secteur). Il a généré un chiffre d’affaires à l’export supérieur à 5 milliards de DH en 2011, en hausse de plus de 25% par rapport à 2010. Cependant, le secteur fait encore face à quelques difficultés. Il s’agit notamment de la rareté des ressources humaines qualifiées qui « constitue sans conteste le principal frein » à un développement encore plus fort du secteur.
À ce sujet, Youssef Chraibi révèle que moins de 5% des candidats à cette profession arrivent à être retenus, compte tenu du niveau de langue insuffisant. « Notre secteur est devenu un véritable “laboratoire” de formation de masse à l’échelle nationale des jeunes diplômés,
qui bénéficient gratuitement de programmes pouvant dépasser 100 heures par an », souligne Youssef Chraibi, qui note la mise en place d’un programme à cet effet, baptisé « Call Académie », qui a donné lieu notamment à un programme intensif de mise à niveau de 400 heures. Bilan : plus de 700 jeunes formés avec un taux d’insertion de l’ordre de 70%. Cette expérience pilote sera étendue à plusieurs régions.
3 Questions à… Youssef Chraibi, président de l’AMRC
« Le mouvement des externalisations s’intensifiera à l’avenir »
Votre secteur s’est bien développé au Maroc. Est-il arrivé à maturité ?
Après une dizaine d’années d’existence, le secteur des centres d’appels est encore en forte croissance, de l’ordre de 20% par an. Nous restons, au niveau de l’AMRC très confiants sur le potentiel de croissance de ce secteur, puisque le mouvement d’externalisation des métiers de services, de façon générale, représente une tendance lourde qui devrait s’intensifier dans les années à venir.
Une éventuelle diversification, au lieu de rester sur le seul marché francophone ?
Il existe, en effet, quelques possibilités de diversification vers d’autres langues européennes en dehors de la langue française. Le marché hispanophone a ainsi commencé à se développer, notamment dans le nord du Royaume, le Maroc offrant une alternative sur le nearshore qui est attractive par rapport aux destinations offshore d’Amérique latine. Les marchés néerlandais, germaniques et italiens semblent offrir également de belles perspectives, avec la forte diaspora marocaine dans ces pays. Le marché anglophone est, quant à lui, plus difficile à aborder compte tenu du lien historique qu’ont développé les pays anglo-saxons avec l’Inde et les pays du Sud-est asiatique.
La crise en Europe et l’instabilité dans certains pays voisins ont-elles eu un impact pour vous ?
L’instabilité en Tunisie et en Égypte a entraîné quelques rares transferts d’activité vers le Maroc. Mais par ailleurs, cela a pu freiner certains donneurs d’ordre dans leurs investissements, considérant que toute la région pouvait comporter certains risques, mais sans réel impact. Concernant la conjoncture difficile en Europe, il est clair que cela rend le site Maroc encore plus attractif.!
Propos recueillis par L.O.