LA machine OFPPT tourne à plein régime. L’Office qui assure 95% du dispositif public est omniprésent.
Il est positionné à la fois sur la formation initiale et continue, et sur tous les secteurs. L’organisme a formé plus d’un million de jeunes entre 2001 et 2013, et d’ici 2017, il en formera autant. De quoi faire des jaloux chez ses concurrents du privé. Ces derniers, qui ne fonctionnent qu’à 50% de leur capacité, ne cessent de dénoncer cette «hégémonie».
Pour cette rentrée, le dispositif de l’OFPPT montera encore en cadence en offrant 370.000 places, soit 30.000 supplémentaires sur un an. Son réseau sera, par ailleurs, renforcé avec 7 nouveaux établissements, dont la très attendue Ecole de formation dans les métiers du BTP de Settat, le Complexe de formation aux métiers des nouvelles technologies de l’information, de l’offshoring et de l’électronique à Oujda et le Centre de formation de l’automobile à Moulay Rachid à Casablanca. Le nombre total d’établissements sera porté cette année à 336.
De nouvelles filières seront également lancées dans la logistique, l’industrie automobile et les travaux publics. D’autres sont en préparation dans les domaines de la distribution, des énergies renouvelables, des métiers de la ville (transport de fonds, gardiennage…), de l’industrie pharmaceutique, des métiers liés au golf… «Notre raison d’être c’est d’accompagner le développement du pays. A chaque fois que nous sommes sollicités pour appuyer un secteur, nous répondons présent», avait déclaré son DG, Larbi Bencheikh, lors d’une récente conférence à Casablanca.
Mais qu’en est-il de la qualité des formations offertes? Les professionnels s’accordent à dire que si la quantité des profils «livrés» a été largement augmentée, la qualité des cursus n’a pas toujours suivi. «L’OFPPT fabrique du nombre mais pas de la qualité», critique Lahcen Zelmate, SG de la Confédération nationale du tourisme (CNT). Même constat du côté de la Fédération nationale du BTP (FNBTP) et de celle des industries métallurgiques, mécaniques et électromécaniques (FIMME). Pour les professionnels de ces secteurs, les stagiaires de la formation professionnelle sont plutôt «généralistes» et ont souvent besoin d’être «reformatés» pendant plusieurs semaines en entreprise avant d’être opérationnels.
L’Association marocaine des relations client (AMRC) qui couvre l’offshoring déplore le manque de maîtrise des langues. «Nous payons encore trop lourdement la facture de l’arabisation. Il y a urgence à remettre le savoir être, la communication et la maîtrise des langues en particulier au cœur de notre système éducatif, et ce à tous les niveaux du parcours de formation», souligne Youssef Chraïbi, président.
L’Association estime que des dizaines de milliers d’emplois supplémentaires auraient pu être créés (contre 70.000 aujourd’hui), en l’absence de ce problème. D’après les enquêtes de terrain de l’AMRC, auprès des lauréats de l’Enseignement supérieur, la situation n’est pas meilleure, puisque seuls 5% d’entre eux maîtrisent correctement le français.
Pourtant, les professionnels sont souvent impliqués dans le montage des cursus et même dans la gestion des établissements. «La responsabilité est partagée», reconnaît Abdelhamid Souiri, président de la FIMME.
Sur les dix dernières années, l’OFPPT a tenté de relever ses standards. Plusieurs mesures ont été prises, dont le renforcement de la formation alternée. Sa part est passée de 21% à 59% entre 2002 et 2012. «Nous croyons en ce mode de formation qui a fait ses preuves, mais il faut des entreprises en face qui y croient aussi», insiste Bencheikh.
Généralement, les entreprises ne jouent pas le jeu. Elles n’accueillent que rarement les stagiaires et ne mobilisent pas de tuteurs pour les accueillir. «Nous sommes prêts à former des tuteurs pour accompagner nos stagiaires», propose Bencheikh.
Mais cela peut-il vraiment les intéresser?
«Dans l’hôtellerie, il faudrait une loi imposant aux hôteliers de prendre un quota de stages rémunérés. L’Etat doit agir sur ce chantier, mais toutes les parties prenantes devraient d’abord se réunir, y compris la CGEM», suggère Zelmate. Dans le secteur du BTP, les chances de décrocher un stage sont beaucoup plus faibles. Les chantiers sont souvent éloignés du siège, parfois dans des zones reculées, ce qui nécessite des frais de transport, de logement, d’assurance… «Malheureusement, la prise en charge des stagiaires n’est pas prévue dans les contrats spéciaux de formation. Nous continuons à militer pour cela», regrette un responsable de la FNBTP. La mesure pourrait éventuellement encourager les entreprises à prendre plus de stagiaires dont beaucoup finissent par abandonner leur stage faute de moyens. Le secteur, sorti de son euphorie après la crise de 2008, ne recrute plus à tour de bras. Ses besoins en profils sont aujourd’hui plus orientés qualité. Mais elle se fait de plus en plus rare.
«Les instituts de formation dans les métiers du BTP ne sont pas suffisamment équipés en matériel nécessaire à l’apprentissage pratique. Le seul établissement qui fait figure d’exception est celui qui ouvre cette année à Settat», relève un professionnel du BTP.
L’Office, pour sa part, défend son bilan. Découpage des programmes, enrichissement des ressources documentaires, révision de l’ingénierie de formation et de l’organisation des examens, généralisation des bilans de compétences pour les formateurs dont les recrutements sont devenus plus sélectifs (près de 80% sont des bac+4 et des ingénieurs), implication des professionnels, certification de cursus… De nombreux efforts ont été consentis pour relever le niveau. Une dizaine de Centres de développement des compétences (CDC) pour la veille pédagogique et le perfectionnement des formateurs (estimés à 6.231) ont également été créés. Le nombre de modules détaillés, lui, est passé de 124 en 2001/2002 à 5.294 en 2013-2014. L’ensemble de ces actions a valu à l’Office de nombreuses distinctions à l’échelle régionale, mais cela ne semble pas suffire…
Les jeunes plus demandeurs
Aguichés par l’opportunité d’intégrer rapidement le marché de l’emploi, les jeunes sont très demandeurs des formations proposées par l’OFPPT.
Les candidatures ne cessent de grimper. Elles sont passées de 171.800 en 2002/2003, à près de 500.000 en 2013-2014. Quelque 30% des nouveaux bacheliers s’orientent actuellement vers l’OFPPT qui reçoit en moyenne 3 demandes pour une place disponible. Environ 30% à 40% de ce flux disposent d’une mention «bien».
La formation professionnelle, jadis boudée par les élèves et les parents qui craignaient un «déclassement social», attire de plus en plus. D’autant plus qu’elle garantit des taux d’insertion allant de 75% à 100%, selon les filières. Avec le baccalauréat professionnel qui démarre cette année et les passerelles offertes avec l’université, les jeunes seront plus nombreux à l’intégrer, encore faut-il que la formation offerte soit mise à niveau.
Ahlam NAZIH